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Secteur public
Fin du contrat

Le 29 février 2024, le Parlement fédéral a adopté la loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public. Cette loi entrera en vigueur le 1er mai 2024. Après des années de controverse jurisprudentielle, elle fixe enfin un cadre juridique clair pour l’application du licenciement manifestement déraisonnable aux contractuels du secteur public. La loi règlemente, par ailleurs, également la question de l’audition préalable au licenciement de ces travailleurs.

Rétroactes

Depuis le 1er avril 2014, la CCT n° 109, adoptée en exécution de la loi sur le statut unique, prévoit des règles particulières applicables aux employeurs du secteur privé concernant la motivation du licenciement et le licenciement manifestement déraisonnable. La loi sur le statut unique prévoyait que des règles similaires devaient être adoptées pour le secteur public, mais rien n’avait été voté par le Parlement jusqu’à maintenant.

Afin de pallier cette lacune, la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 30 juin 2016, avait invité les juridictions du fond à appliquer par analogie la CCT n° 109 en cas de licenciement d’un travailleur contractuel du secteur public, ceci afin d’éviter toute discrimination entre les travailleurs du secteur privé (qui pouvaient réclamer une indemnisation en raison d’un licenciement manifestement déraisonnable), et les travailleurs du secteur public (pour lesquels aucune disposition légale ne prévoyait cette possibilité).

S’en est suivie une controverse jurisprudentielle, certaines juridictions suivant la suggestion de la Cour suprême et d’autres refusant d’appliquer par analogie la CCT n° 109.

La loi du 29 février 2024 et son champ d’application

Le législateur a enfin mis un terme à cette controverse en adoptant, le 29 février 2024, la loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public, qui entrera en vigueur le 1er mai 2024.

Cette loi s’applique aux travailleurs sous contrat de travail dont l’employeur ne relève pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. Cela englobe la majorité des employeurs publics.

Comme la CCT n° 109, cette loi ne s’applique pas aux travailleurs licenciés durant les six premiers mois d’occupation, durant un contrat intérimaire, durant un contrat d’occupation d’étudiant et à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge légal de la pension. Elle n’est pas non plus applicable en cas de licenciement pour motif grave et lorsque l’employeur doit suivre une procédure légale spéciale de licenciement.

L’audition préalable et la communication des motifs ayant conduit au licenciement

Aux termes de la nouvelle loi, l’employeur qui envisage de licencier un travailleur pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement doit l’entendre préalablement afin de recueillir ses explications quant aux faits et motifs de la décision de licenciement envisagée. L’employeur est tenu de communiquer ces faits et motifs au travailleur dans un délai suffisant avant l’audition afin de lui permettre de la préparer ou de formuler des observations écrites. La loi ne donne pas plus d’indications quant à ce délai. Si l’employeur omet d’auditionner le travailleur, il devra lui verser une indemnité égale à deux semaines de rémunération.

Si, après l’audition du travailleur, l’employeur décide de procéder à son licenciement, il doit lui notifier sa décision par écrit en mentionnant les motifs concrets justifiant le licenciement. Contrairement à ce que prévoit la CCT n° 109, l’employeur est donc tenu de communiquer d’office au travailleur les motifs ayant conduit à son licenciement, en même temps que la décision de le licencier. Le travailleur ne doit donc pas faire la demande de la communication de ces motifs. Si l’employeur ne communique pas au travailleur les motifs concrets justifiant son licenciement, il lui sera également redevable d’une indemnité égale à deux semaines de rémunération. 

La loi ne précise pas si, en cas de non-respect des deux obligations susmentionnées (audition préalable d’une part et communication des motifs d’autre part), l’employeur est redevable de deux indemnités égales à deux semaines de rémunération. Au vu libellé de la disposition légale, l’employeur dispose d’arguments pour soutenir qu’une seule indemnité est due dans ce cas-là.

Le licenciement manifestement déraisonnable

Le cadre du licenciement manifestement déraisonnable établi par la loi est similaire à celui prévu dans la CCT n° 109.

Ainsi, le licenciement manifestement déraisonnable est celui qui se base sur des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur, ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable. 

En cas de licenciement manifestement déraisonnable, l’employeur est tenu de verser au travailleur une indemnité pouvant s’élever de 3 à 17 semaines de rémunération. Cette indemnité ne peut pas être cumulée avec d’autres indemnité prévues dans le cadre d’une procédure spéciale de licenciement. Elle n’est pas non plus cumulable avec toute indemnité due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, à l’exception d’une indemnité compensatoire de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’une indemnité d’éviction et d’une indemnité complémentaire qui serait payée en plus des allocations sociales. Elle peut, par contre, être cumulée avec l’indemnité de deux semaines de rémunération due en cas de non-respect de l’obligation d’audition préalable et de communication des motifs justifiant le licenciement.

Il revient au travailleur d’apporter la preuve du caractère manifestement déraisonnable de son licenciement, sauf si l’employeur ne lui a pas communiqué les motifs ayant conduit à son licenciement. Dans ce dernier cas, il incombe à l’employeur d’établir que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.

Point d'attention

A partir du 1er mai 2024, il conviendra d’être attentif, lorsque vous licenciez un travailleur contractuel, aux obligations suivantes :

  1. Lorsque le licenciement du travailleur est fondé sur des motifs liés à sa personne ou à son comportement, vous devez l’auditionner et lui communiquer, préalablement à l’audition, les motifs justifiant le licenciement envisagé, en lui laissant un délai suffisant pour préparer sa défense ou pour faire valoir ses observations par écrit.
  1. Vous devez notifier au travailleur son licenciement par écrit en indiquant les motifs concrets justifiant cette décision.
  1. Le licenciement doit être basé sur des motifs liés à l’aptitude du travailleur, à sa conduite et/ou aux nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et doit pouvoir être décidé par un employeur normal et raisonnable.