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Relations collectives de travail
Discrimination

La cour du travail de Gand s’est prononcée dans un arrêt du 12 octobre 2020 sur la question de savoir si un code vestimentaire neutre constitue une discrimination indirecte, car les musulmans seraient en pratique plus désavantagés que les travailleurs ayant d’autres convictions religieuses. La cour du travail a décidé qu’il ne s’agissait pas d’une discrimination indirecte. Cette décision est désormais définitive et met donc un terme à ce long litige.

Prémisses : pas de discrimination directe

Une travailleuse occupée comme réceptionniste a soudainement voulu porter un voile pendant les heures de travail. L'employeur n'était pas d'accord, étant donné la politique de neutralité de l'entreprise, qui interdisait aux travailleurs de porter des signes extérieurs de leurs convictions religieuses, philosophiques ou politiques sur le lieu de travail. La travailleuse a finalement été licenciée en raison de son refus persistant de se conformer au code vestimentaire.

L’ancienne travailleuse estimait que la politique de neutralité constituait une discrimination sur base de la conviction religieuse et réclamait une indemnité équivalente à 6 mois de rémunération. La demande a été déclarée non fondée tant par le tribunal du travail que par la cour du travail d’Anvers, suite à quoi l’ancienne travailleuse s’est adressée à la Cour de cassation qui a ensuite posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Dans une décision du 14 mars 2017, la Cour de justice confirmait qu’une politique de neutralité ne constituait pas une discrimination directe sur base de la conviction religieuse pour autant que la politique ne vise pas une croyance en particulier et qu’elle soit appliquée de manière cohérente et systématique. La Cour de justice indiqua qu’il pouvait être question de discrimination indirecte (lire la newsflash via ce lien ).

Pas de distinction indirecte et donc pas de discrimination indirecte

L’affaire a ensuite été renvoyée à la cour du travail de Gand, qui devait uniquement se prononcer sur la question de savoir s’il y avait discrimination indirecte. Plus précisément, l’ancienne travailleuse argumentait, avec Unia, que le politique de neutralité désavantageait plus les musulmans en tant que groupe que les autres convictions religieuses, étant donné que l’islam impose plus que les autres religions l’obligation de porter certains signes extérieurs.

La cour du travail souligne la séparation de l’Eglise et de l’état, de laquelle il découle qu’il ne revient pas au pouvoir judiciaire de comparer les différentes religions entre elles et de décider quels signes extérieurs doivent ou non être considérés comme obligatoires au sein d’une certaine conviction religieuse ou philosophique.

La cour estime en outre que le désir d’un croyant de porter des signes extérieurs de sa conviction ne constitue pas un critère protégé selon la réglementation relative à la discrimination. Cela signifie que la politique de neutralité ne constitue pas une distinction indirecte entre les travailleurs et que donc, logiquement, il ne peut y avoir de discrimination indirecte.

Libre choix des employeurs entre neutralité et pluralisme actif

Bien que la cour du travail était déjà arrivée à la conclusion que la politique de neutralité ne constituait pas une distinction indirecte, la cour va plus loin et examine l’hypothèse où il y aurait effectivement une distinction indirecte.

Même dans cette hypothèse, la distinction indirecte ne serait pas discriminatoire, car cette distinction est motivée par la volonté de l’employeur de se présenter de manière neutre dans ses relations avec les clients. Il s’agit d’un but légitime selon la cour du travail, ce qui confirme l’arrêt de la Cour de justice : le choix entre neutralité ou pluralisme actif relève de la marge d’appréciation de l’employeur et les entreprises ne peuvent dès lors pas être contraintes d’adhérer au pluralisme actif.

La politique de neutralité a également été jugée appropriée par la cour du travail, car elle a été mise en œuvre de manière cohérente et systématique. Selon la cour du travail, la politique est également nécessaire afin d’atteindre l’objectif d’une image neutre. Sur proposition de la Cour de justice, la cour du travail a enfin examiné si une fonction alternative aurait pu être offerte à la travailleuse, dans laquelle elle n’aurait pas de contacts avec les clients. La cour constate que l’employeur a suffisamment démontré qu’au moment des faits, il n’y avait pas d’autres fonctions alternatives disponibles. Selon la cour, on ne peut en aucun cas attendre de l’employeur qu’il crée une nouvelle fonction dans le backoffice.

Conclusion

Une politique de neutralité claire appliquée de manière cohérente et systématique ne constitue ni une discrimination directe ni une discrimination indirecte sur base de la conviction religieuse dans la mesure où elle a le même impact sur tous les croyants et adhérents de convictions philosophiques ou autres courants.

Même si une distinction indirecte pouvait être démontrée, la volonté d’une entreprise de se présenter de manière neutre à l’égard de ses clients constitue un but et une justification légitimes.

Quant à la question de savoir si une politique de neutralité peut également être justifiée pour des fonctions au sein de l’entreprise, la cour du travail de Gand ne se prononce pas, bien qu’elle estime qu’il y ait « beaucoup à dire » à ce sujet.