Fil d'Ariane
Géolocalisation des voitures de société - Confirmation des principes par l’Autorité belge de protection des données
Dans une décision du 25 mars 2025, l’Autorité belge de protection des données (APD) s’est prononcée sur l’utilisation d’un système de géolocalisation dans une voiture de société. Dans cette décision, l’APD confirme une nouvelle fois la légitimité de ce système et précise les principes établis. En 2023, l’APD avait déjà rendu une décision similaire que nous avions commentée dans ce blog.
Faits
L’affaire a débuté à la suite d’une plainte déposée par un travailleur auprès de l’APD en raison de l’utilisation prétendument illicite d’un système de géolocalisation par son employeur. Selon le travailleur, il n’était pas possible de désactiver le système en dehors des heures de travail ou pendant les vacances, il n’avait pas été informé de sa mise en place et il n’avait pas consenti à son utilisation. Le travailleur en question utilisait le véhicule tant à des fins professionnelles que privées.
L’employeur a indiqué à l’APD que l’introduction prévue du système de géolocalisation avait été discutée lors d’une réunion d’entreprise, mais que le travailleur concerné n’y était pas présent. Une communication écrite contenant la politique de géolocalisation avait ensuite été transmise aux travailleurs présents. Les travailleurs absents (dont le plaignant) avaient reçu la politique le jour suivant.
Finalités autorisées pour la géolocalisation
L’APD constate que l’employeur s’était fondé sur la base juridique de « l’intérêt légitime » pour les traitements effectués via le système de géolocalisation. L’APD applique ensuite dans sa décision le test dit « des trois étapes » pour déterminer si l’on peut invoquer la base juridique de l’« intérêt légitime » : le test de finalité, le test de nécessité et le test de mise en balance.
En ce qui concerne le test de finalité, l’APD constate que l’employeur faisait appel au système de géolocalisation pour plusieurs finalités. La politique de géolocalisation mentionne les finalités suivantes : (1) la simplification de l’enregistrement et de l’administration à des fins de facturation et d’enregistrement du temps pour le calcul final, (2) une vue sur les itinéraires, (3) une vue sur les heures de départ et d’arrivée, (4) la réduction des coûts (de carburant), (5) une justification complète des heures, (6) des éléments de preuve pour les donneurs d’ordre, (7) une augmentation de la sécurité, et (8) la réduction des coûts de communication. La politique précisait, en outre, que le contrôle était en effet possible via le système, mais que ce n’était pas l’objectif.
L’APD a cependant estimé que les faits démontraient que le contrôle des prestations de travail et des heures prestées constituait la finalité principale du système de géolocalisation. L’employeur l’avait confirmé lors de l’audition. Étant donné que l’employeur ne l’avait pas communiqué au préalable, une violation du principe de limitation des finalités a été constatée.
Ceci étant, l’APD a jugé que tant les finalités mentionnées dans la politique que le contrôle des prestations de travail et des heures prestées pouvaient constituer des finalités légitimes pour l’utilisation du système de géolocalisation.
Ne pas traiter plus de données que nécessaire
En ce qui concerne le test de nécessité, l’APD confirme que le traitement des données de localisation, des kilomètres parcourus, des heures de début et de fin, de la durée du trajet et des temps d’arrêt est nécessaire à la défense des intérêts précités.
Dans ce cadre, l’APD s’est également penchée sur les temps d’enregistrement. Le travailleur affirmait que le système de géolocalisation fonctionnait 24 h/24, 7 j/7 et qu’il ne pouvait pas être désactivé en dehors des heures de travail ou pendant les vacances. Selon l’APD, le sous-traitant qui proposait le système de géolocalisation enregistrait effectivement les données en continu, mais seules les données correspondant aux heures de travail étaient transmises à l’employeur.
L’APD estime ainsi qu’à la lumière de l’objectif de contrôle des prestations de travail (voir ci-dessus), un enregistrement continu des données est disproportionné et constitue également une violation du principe de minimisation des données. Elle souligne à cet égard que le système doit être configuré de manière à pouvoir être désactivé en dehors des heures de travail. Cela signifie que l’employeur ne doit pas avoir accès aux données, mais également que le sous-traitant ne peut pas les enregistrer.
Par ailleurs, l’APD indique qu’elle considère comme une bonne pratique la possibilité, pour les travailleurs, d’activer et de désactiver manuellement le système de géolocalisation (en particulier pour les travailleurs aux horaires flexibles). À tout le moins, l’employeur doit être en mesure de désactiver l’enregistrement des données de géolocalisation en dehors des heures de travail.
Cependant, l’APD n’a pas constaté de violation sur ce point car elle ne disposait pas d’un aperçu détaillé de l’enregistrement des données effectué par le sous-traitant.
En ce qui concerne le test de mise en balance, l’APD estime que le système de géolocalisation n’a qu’un impact limité sur les personnes concernées. Par conséquent, elle juge que l’employeur pouvait légitimement se fonder sur son intérêt légitime comme base juridique.
Transparence
Enfin, l’APD a constaté plusieurs violations du principe de transparence et des obligations d’information. Ainsi, les travailleurs n’étaient pas suffisamment informés des finalités, la description de la base juridique était insuffisamment détaillée, l’employeur avait omis de mentionner de manière exhaustive les catégories de données à caractère personnel (en utilisant la mention « et cetera ») et les durées de conservation n’étaient pas indiquées.
L’APD relève également qu’elle considère comme une bonne pratique pour une entreprise de conclure une convention avec les travailleurs ou d’ajouter une annexe au contrat de travail contenant toutes les informations requises par le RGPD. Selon nous, une politique de géolocalisation détaillée et d’une notice de confidentialité adaptée pour les travailleurs sont suffisantes.
Point d'action
Lors de la mise en œuvre ou de la révision d’un système de géolocalisation, chaque entreprise doit tenir compte des principes exposés par l’APD. Il est recommandé aux entreprises d’élaborer une politique de géolocalisation détaillée, contenant une explication claire des finalités du système et, dans la mesure où la géolocalisation vise à contrôler les travailleurs, d’offrir à ceux-ci la possibilité de désactiver le système eux-mêmes en dehors des heures de travail.