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Discrimination

Par un arrêt du 4 janvier 2024, la Cour du travail d'Anvers a confirmé un jugement du Tribunal du travail d’Anvers du 18 octobre 2022. Par ce jugement, un employeur avait été condamné à payer une indemnité au titre de protection de la maternité et deux indemnités pour double discrimination, basée sur le sexe et l'état de santé en raison de la grossesse. Par cet arrêt, la Cour du travail a confirmé le jugement du Tribunal du travail, réglant ainsi, entre autres, la question de savoir si un cumul de ces protections et indemnités est possible pour les licenciements intervenus avant le 19 janvier 2023.

Principes

Lorsqu'un employeur procède au licenciement d'une travailleuse enceinte, il doit être en mesure de prouver que les raisons qui sous-tendent le licenciement sont totalement étrangères à la grossesse. Si l'employeur ne parvient pas à le prouver, la travailleuse peut prétendre à une indemnité de protection s'élevant à 6 mois de rémunération brute.

La question se pose de savoir si, dans ce cas, la travailleuse peut également invoquer une discrimination fondée sur le sexe et/ou l'état de santé et, dans l'affirmative, si ces protections et indemnités peuvent être cumulées.

Depuis une modification législative du 15 novembre 2022, la loi du 10 mai 2007 relative à la lutte contre la discrimination entre les femmes et les hommes prévoit désormais explicitement que les indemnités auxquelles la victime peut prétendre en cas de discrimination peuvent être cumulées avec les indemnités versées à la suite de la rupture de la relation de travail. De plus, la loi a confirmé la notion de discrimination cumulée.

Alors que la protection contre le licenciement d'une travailleuse enceinte vise à protéger les dommages subis par la travailleuse qui est licenciée en raison de sa grossesse, l'indemnité pour licenciement discriminatoire vise à indemniser forfaitairement le dommage matériel et moral subi par la travailleuse victime de discrimination.

Cette modification législative n'est entrée en vigueur que le 19 janvier 2023 et ceci sans effet rétroactif. Ainsi, pour tous les licenciements effectués avant cette date, la question du cumul de ces deux indemnités restait controversée.

Dans la présente affaire, c’est de cette question qu’a eu à connaître la Cour du travail .

Décision de la Cour

Dans son jugement, le Tribunal du travail d'Anvers a estimé que l'employeur n'avait pas prouvé que le licenciement n'était pas lié à la grossesse/maternité et a également conclu à l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe et l'état de santé. Le Tribunal du travail a accordé à la travailleuse une indemnité à titre de protection de la maternité d'un montant de 6 mois de rémunération brute et une indemnité pour discrimination multiple d'un montant de 12 mois de rémunération brute.

L'employeur a interjeté appel de cette décision, et la Cour du travail d'Anvers a rendu son arrêt le 4 janvier 2024.

Plus précisément, la Cour du travail a jugé que l'employeur n'avait pas démontré que le licenciement de la travailleuse était entièrement étranger à sa grossesse/maternité et a estimé que le licenciement était, au moins aussi partiellement, motivé par son état physique résultant de l'accouchement, de telle sorte que l'indemnité de protection de la maternité était due.

L'argument de l'employeur selon lequel le fait d'éviter la rémunération garantie a été un élément décisif dans la procédure de licenciement de la travailleuse est considéré par la Cour comme un motif directement lié à l'accouchement. Il n'est pas pertinent qu’un coût salarial inattendu soit supporté du seul fait que le repos de maternité avait été initialement planifié différemment. La Cour considère que les complications après l'accouchement (en l'occurrence, la dépression postnatale) ont ceci de particulier qu'elles ne sont pas prévisibles à l'avance. Un motif de licenciement qui correspond, du moins en partie, à la volonté de l'employeur d'éviter le coût d’une rémunération garantie constitue une violation de la protection de la maternité. Il importe donc peu que l'employeur ait cherché à invoquer d'autres motifs de licenciement. Aussi, la Cour constate qu'en l'absence de maladie de la travailleuse à la suite du congé de maternité et de l'accouchement, il n'était pas nécessaire de réorganiser l'équipe des ressources humaines de l'employeur, ces difficultés étaient jusqu’alors résolues en recourant au chômage temporaire.

La Cour du travail a également confirmé l'existence d'une discrimination directe fondée sur le sexe et l'état de santé, de telle sorte que la travailleuse a droit à deux indemnités pour discrimination, en plus de l’indemnité de protection de la maternité. L'employeur ne prouve pas qu'il aurait également licencié la travailleuse si elle n'avait pas été inapte au travail en raison d'une maladie due à l'accouchement.

De plus, la Cour du travail retient qu'un cumul de l’indemnité de protection de la grossesse/maternité et des indemnités pour cause de discrimination fondée sur le sexe et l'état de santé est effectivement possible. Pour la Cour, bien que la loi anti-discrimination et la loi genre soient étroitement liées, elles doivent être considérées comme deux réglementations distinctes, chacune prévoyant des indemnités forfaitaires en cas de discrimination. Ces lois ne prévoient pas d'interdiction de cumul. Il en va de même pour la loi sur le travail (qui organise la protection de la maternité). Étant donné que l'employeur a enfreint deux lois différentes sur la discrimination et une troisième (celle sur le travail), les trois indemnités peuvent être cumulées. En outre, selon la Cour, les dommages sont également distincts. A noter toutefois que dans cette affaire l'employeur n'a semble-t-il soulevé aucun moyen de défense contre le cumul des droits.

En conséquence, la Cour accepte le cumul et condamne l'employeur au paiement d'une indemnité forfaitaire de six mois de rémunération brute pour violation de la protection de la maternité, d'une indemnité forfaitaire de six mois de rémunération brute pour discrimination fondée sur le sexe, d'une part, et d'une indemnité forfaitaire de six mois de rémunération brute pour discrimination fondée sur l'état de santé, d'autre part.

Point d'attention

Dès que le licenciement d'une travailleuse enceinte ou ayant accouché est au moins partiellement fondé sur son état physique, il y a violation de la protection de la maternité.

Les employeurs doivent s'assurer que le motif de licenciement d'une travailleuse enceinte ou ayant accouché est juridiquement valable et qu'il est également correctement documenté.