Newsflash
Fin du contrat

Dans un arrêt du 6 février 2023, la Cour de cassation a jugé que, dans le cadre de l'appréciation d’un motif grave, le juge ne peut pas simplement refuser de prendre en considération le préjudice subi par l'employeur dans l'appréciation de la gravité de la faute.

La loi stipule que l'on entend par motif grave : toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur. En d'autres termes, il s'agit de la bien connue "faute grave". En cas de contestation, il appartient au juge de décider si la ou les fautes alléguées sont suffisamment graves pour rendre immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur.

Selon une jurisprudence constante, cette appréciation doit tenir compte de toutes les circonstances concrètes de la situation. Une appréciation au cas par cas est donc toujours nécessaire.

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation, une travailleuse avait été licenciée pour motif grave parce qu'elle n'avait pas déposé une déclaration de TVA dans les délais, qu'elle avait ensuite omis d'informer son supérieur de l'amende qui en résultait, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour contester la taxation d'office, qu'elle n'avait pas constitué de provision conformément aux règles internes, etc. L'employeur a souligné qu'il avait dû débourser plus de 70.000 EUR en raison de ces faits et qu'il avait donc subi un préjudice important.

La Cour du travail avait estimé que l'employeur pouvait effectivement prouver les fautes alléguées. Néanmoins, la Cour avait déclaré que si l'employeur pouvait également prouver qu'il avait subi un préjudice important à la suite de ces fautes, ce préjudice n'était, par définition, pas pertinent pour apprécier la gravité des fautes.

La Cour du travail avait ensuite considéré que les fautes alléguées ne rendaient pas la collaboration professionnelle immédiatement et définitivement impossible et n'avait donc pas reconnu le motif grave. 

La Cour de cassation ne partage pas la décision de la Cour du travail. Bien que l'appréciation du motif grave soit en tout état de cause une question de fait, la Cour de cassation, dans son arrêt du 6 février 2023, a rappelé et clarifié un certain nombre de principes :

Tout d'abord, la Cour de cassation rappelle que le fait qui justifie un licenciement pour motif grave est la faute, entourée de toutes les circonstances qui peuvent la rendre constitutive d’un motif grave. La nouveauté est que la Cour de cassation dit explicitement que tout dommage causé à l'employeur par la faute peut constituer une de ces circonstances à prendre en considération lors de l'évaluation de la gravité de la faute. Ainsi, l'ampleur du dommage peut éventuellement jouer un rôle dans l'évaluation du caractère suffisamment grave de la faute pour justifier un licenciement pour motif grave.

La Cour de cassation souligne que pour l'appréciation du motif grave :

  •  la loi en tant que telle n'exige pas que l'employeur ait subi un préjudice du fait de la faute grave imputée au travailleur ;
  • en revanche, rien n'empêche le juge, lors de l'appréciation de la faute, d'examiner si l'employeur a subi un préjudice de ce fait.

Point d'attention

Cet arrêt met en exergue que le préjudice causé à l'employeur par la faute d'un travailleur peut jouer un rôle dans l'appréciation de la gravité de cette faute.

Cet arrêt ne signifie pas qu'une faute ayant causé un préjudice important justifiera d’emblée un licenciement pour motif grave. Inversement, cela ne signifie pas non plus qu'un licenciement pour motif grave serait nécessairement injustifié au seul motif que l'employeur ne subirait aucun préjudice du fait de la faute du travailleur.

La question centrale reste de savoir si la faute est à ce point grave que la poursuite de la collaboration professionnelle en est devenue immédiatement et définitivement impossible, compte tenu de toutes les circonstances concrètes et donc, le cas échéant, également (de l'ampleur) du préjudice subi par l’employeur. Une évaluation au cas par cas reste toujours nécessaire.