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Relations individuelles

Sous l’impulsion de l’Union européenne, le Conseil National du Travail a adopté le 27 septembre 2022 une convention collective de travail n° 161 « concernant le droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres ». Cette CCT offre, d’une part, un cadre pour les travailleurs souhaitant obtenir des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres et protège, d’autre part, l’exercice de ce droit. Cette CCT est entrée en vigueur le 1er octobre 2022.

Champ d’application

Depuis le 1er octobre 2022, tout travailleur du secteur privé, occupé sous les liens d’un contrat de travail et ayant au moins six mois d’ancienneté auprès du même employeur, a désormais le droit de demander à son employeur une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres. La CCT ne s’applique pas si le temps de travail prédéterminé et réel du travailleur est de moins de 3 heures par semaine sur une période de référence de 4 semaines consécutives.

La CCT n° 161 prévoit que pour le calcul de l’ancienneté, toutes les périodes d'occupation auprès du même employeur sont additionnées. Pour les travailleurs intérimaires, il est tenu compte de l’ancienneté au sein de l’entreprise de travail intérimaire et chez le même utilisateur.

Des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres

La CCT n° 161 ne définit pas la notion de « forme d’emploi comprenant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres ». Celle-ci est laissée à l’appréciation du travailleur, en fonction de ses besoins. La CCT cite néanmoins, en commentaires, certains exemples, tels que le choix d’un contrat de travail à durée indéterminée par préférence à un contrat de travail à durée déterminée.

Le droit de demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres est soumis à plusieurs conditions. En effet, il n’est ouvert que dans la mesure où une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres est disponible, où le travailleur satisfait aux qualifications et compétences requises à cet effet, et où il accepte l’horaire proposé et les conditions de rémunération. Ces conditions peuvent cependant être concrétisées différemment au niveau sectoriel, de l’entreprise ou individuel (de commun accord entre l’employeur et le travailleur).

Procédure

Le travailleur doit formuler sa demande par écrit à l’employeur et ce, au moins trois mois avant le début souhaité de cette forme d’emploi (sauf délai plus court fixé au niveau sectoriel, de l’entreprise ou individuellement).

Cette demande doit mentionner :

  • la référence expresse à la CCT n° 161 ;
  • l’indication de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres pour laquelle le travailleur souhaite entrer en ligne de compte ; et
  • la date de début souhaitée de cette forme d’emploi.

La demande doit être introduite :

  • par lettre recommandée ; ou
  • par la remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur au titre d’accusé de réception ; ou
  • par voie électronique moyennant un accusé de réception de l’employeur.

L’employeur doit répondre par écrit à la demande dans un délai d’un mois (ou deux mois pour les employeurs occupant moins de 20 travailleurs) à compter de la date de la demande.

La réponse de l’employeur à cette demande peut être de différente nature : il peut l’accepter, la refuser, la reporter ou formuler une contreproposition. Dans ces trois derniers cas, l’employeur doit motiver sa réponse en indiquant les motifs concrets justifiant sa décision. Ces motifs doivent être liés au fonctionnement de l’entreprise. Dans le cadre de sa décision, l’employeur doit « tenter » de tenir compte au maximum des besoins du travailleur.

Le travailleur ne peut pas faire de demande plus d’une fois par période de douze mois, sauf si l’employeur n’a pas répondu à une demande préalable dans le délai imparti (dans ce cas, le travailleur peut réitérer sa demande).

Si l’employeur accepte la demande ou si le travailleur accepte le report ou la contreproposition de l’employeur, le travailleur et l’employeur doivent s’accorder sur les modalités concrètes.

Protection du travailleur

La CCT n° 161 introduit également une protection contre les mesures défavorables qui seraient prises à l’encontre du travailleur qui introduit une demande écrite en application de la CCT. Le travailleur qui estime avoir fait l’objet de mesures défavorables en lien avec l’exercice de ses droits découlant de la CCT, doit établir l’existence de faits permettant de présumer que tel est le cas. Si tel est le cas, il incombe à l’employeur de prouver que les mesures défavorables sont fondées sur des motifs étrangers à l’exercice des droits du travailleur découlant de la CCT. Lorsqu’il est effectivement question de mesures défavorables en lien avec l’exercice des droits du travailleur découlant de la CCT, le travailleur a droit à une indemnité de 2 à 3 mois de rémunération.

La CCT n° 161 indique expressément que le non-renouvellement d’un CDD à l’égard d’un travailleur qui a introduit une demande écrite en application de la CCT, peut être considéré comme une mesure défavorable pour laquelle l’indemnité précitée est due. Le travailleur devra alors prouver que son contrat de travail n'a pas été renouvelé pour des raisons liées à l'exercice de ses droits découlant de la CCT n° 161.  

En outre, la CCT n° 161 introduit également une protection spécifique contre le licenciement et les mesures préparatoires au licenciement des travailleurs qui ont introduit une demande écrite en application de la CCT. Le licenciement du travailleur reste autorisé pour des motifs étrangers à l’exercice des droits du travailleur découlant de la CCT. Le travailleur qui estime avoir été licencié en raison de l’exercice de ses droits découlant de la CCT, doit à nouveau établir l’existence de faits permettant de présumer que tel est le cas. Dans ce cas, l’employeur doit prouver que le licenciement est fondé sur des motifs étrangers à l’exercice des droits du travailleur découlant de la CCT. En cas de licenciement en lien avec à l’exercice des droits du travailleur découlant de la CCT, ce dernier a droit à une indemnité de 4 à 6 mois de rémunération.

Dans les deux cas, la durée de la protection prend cours à partir de la demande écrite du travailleur et cesse deux mois après :

  • le refus de la demande par l’employeur ; ou
  • le début de l’exercice par le travailleur de la forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres ; ou
  • la date de début demandée par le travailleur dans les cas où aucune forme de travail comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres n’est entamée.

La protection couvre par ailleurs la période de report par l’employeur.

Les indemnités prévues par la CCT n° 161 ne sont ni cumulables entres elles, ni avec d’autres indemnités dues à l’occasion de la fin du contrat de travail (à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité complémentaire payée en plus des allocations sociales, d’une indemnité de non-concurrence ou d’une indemnité d’éviction).

Au niveau collectif

Tant le travailleur que l’employeur peuvent lancer une concertation au sein de l’organe compétent à cet égard dans l’entreprise au sujet des formes d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.

Point d'action

Depuis le 1er octobre 2022, il se peut que vous receviez de vos travailleurs une demande de bénéficier d’une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres. Veillez à y répondre dans les formes et les délais obligatoires, notamment car cela sera prochainement sanctionné pénalement (une loi modifiant le Code pénal social doit encore entrer en vigueur). Par ailleurs, si vous envisagez le licenciement d’un travailleur ou une « mesure défavorable », vérifiez toujours si celui-ci est protégé en vertu de la nouvelle CCT n° 161.