Newsflash
Discrimination

Dans un arrêt du 28 juin 2021, la Cour du travail d'Anvers a donné suite à un jugement marquant du Tribunal du travail du 29 septembre 2020.  Dans ce jugement, un employeur avait été condamné, pour la première fois, au paiement de trois indemnités forfaitaires en raison d’une triple discrimination à l'encontre d'un candidat. Compte tenu du caractère controversé de ce jugement, l'employeur a saisi la Cour du travail, qui a infligé, non plus trois, mais (tout de même) deux indemnités.

Comme nous l’évoquions dans notre newsflash consacré à ce jugement, l’action avait été introduite par une dame souffrant d'une limitation auditive, et qui avait postulé pour la fonction de Research and Development Assistant auprès d'une société pharmaceutique. Le tribunal du travail avait jugé que la candidate avait été victime d'une discrimination fondée sur le handicap tant au cours de la procédure de recrutement que lors de la décision de non-recrutement et avait dès lors condamné l’employeur au paiement de deux indemnités distinctes. En outre, dans la mesure où la décision de ne pas recruter la candidate avait également été motivée par son état de grossesse, ce que la loi genre assimile à une discrimination fondée sur le sexe, la candidate avait également obtenu une indemnité distincte à ce titre.

L'employeur a interjeté appel de ce jugement, en demandant de déclarer la demande de paiement d’indemnités ainsi que le cumul de celles-ci non fondés.

Une seule indemnité pour discrimination fondée sur le handicap

La Cour du travail confirme l'existence d'une discrimination fondée sur le handicap tant au cours de la procédure de recrutement que lors de la décision de non-recrutement. Contrairement à la décision rendue en première instance, la Cour n’a toutefois condamné l’employeur qu’au paiement d'une seule indemnité.

La Cour a souligné à cet égard l'interdépendance entre la procédure de recrutement et la décision de non-recrutement. En effet, selon la Cour, la discrimination fondée sur le handicap lors de la décision de non-recrutement découle de la procédure de recrutement. Par ailleurs, la Cour a soulevé qu'aucun dommage distinct n'a résulté de la discrimination au cours de la procédure de recrutement et de la décision de non-recrutement. En effet, le résultat est le non-recrutement et une seule indemnité est censée compenser le préjudice matériel et moral subi.

En outre, le caractère proportionné et raisonnable d’une indemnité doit également être pris en compte. L'octroi de deux indemnités distinctes pour la méconnaissance d'un seul critère protégé n'a pas semblé raisonnable ou proportionné pour la Cour, en raison de l'interdépendance susmentionnée et de l'absence de dommage distinct. La Cour a craint également que l'octroi de deux indemnités ait un effet contre-productif. En effet, cela « inciterait » les employeurs à rejeter immédiatement la candidature d’un candidat porteur d’un handicap au lieu de lui permettre de participer à la procédure de recrutement, ce qui contreviendrait à l'objectif dissuasif de l’indemnité.

Cumul avec l’indemnité prévue par la loi genre

A l’instar du Tribunal du travail, la Cour du travail a considéré qu'il y a eu discrimination fondée sur le sexe. La Cour du travail a décidé qu'un cumul des indemnités pour discrimination fondée sur le handicap et sur le sexe était effectivement possible. La Cour a estimé que, bien que la loi anti-discrimination et la loi genre soient étroitement liées, elles devaient être considérées comme deux législations distinctes, chacune prévoyant une indemnité forfaitaire en cas de discrimination. Ces lois ne prévoient pas d'interdiction de cumul. Comme l'employeur a violé deux lois anti-discrimination différentes, les indemnités pouvaient donc être cumulées. De plus, selon la Cour, il est question, en l’espèce, d’un dommage distinct. Ici aussi, bien que le résultat final de la violation des deux critères protégés soit le même (le non-recrutement), il est question d’une forme différente d'atteinte à l'intégrité de la candidate sur le plan moral.

Point d'action

Selon cette décision, la violation de différents critères protégés peut donner lieu à des indemnités multiples. Il est donc important pour les employeurs de prendre des décisions réfléchies et fondées et de les documenter, notamment dans le cadre des procédures de recrutement. La loi anti-discrimination et la loi genre prévoient en effet que l'employeur doit apporter la preuve du fait qu'il n'y a pas de discrimination lorsque la victime présumée présente des faits qui font présumer l’existence d’une telle discrimination.